Forum international pour la Paix
TRIBUNE «Non, monsieur Smotrich, vous n’êtes pas l’ami des juifs» par Ofer Bronchtein
Membre sulfureux de la Knesset en Israël, et qualifié de «persona non grata» en Grande-Bretagne par la communauté juive britannique, le député Bezalel Smotrich a été accueilli à l’Assemblée nationale par le député Meyer Habib. Un déshonneur, selon le chargé de mission d’Emmanuel Macron pour la paix israélo-palestinienne.
Début février, la communauté juive britannique a déclaré au parlementaire israélien Bezalel Smotrich, un homme raciste et homophobe, qu’il était persona non grata en Grande-Bretagne. «Nous appelons tous les membres de la communauté juive britannique à lui montrer la porte. Remontez dans l’avion, Bezalel, et restez dans les mémoires comme une honte pour toujours», a-t-elle écrit dans un tweet.
Comment expliquer que, quelques jours plus tard, un député français, Meyer Habib, ose inviter à l’Assemblée nationale ce sulfureux membre de la Knesset, personnage plus que controversé en Israël, en lui déclarant son soutien et son amitié : «Vous êtes le bienvenu en France et au Parlement français, vous êtes notre ami et l’ami des juifs de France» lui a déclaré le député français.
Non M. Habib, Bezalel Smotrich n’est pas le bienvenu en France et, non, il n’est pas l’ami des juifs, il nous fait honte et nous déshonore.
Avec «des amis» comme Bezalel Smotrich, nous, juifs de France, attachés aux valeurs humaniste du judaïsme, risquons de perdre la légitimité morale de notre combat contre l’antisémitisme et, par votre attitude, vous sapez les fondements de l’Etat d’Israël auquel nous sommes attachés.
Repris de justice, raciste et homophobe
Car, en l’invitant et en lui déclarant votre soutien M. Habib, vous niez le fait que les arabes israéliens (20% de la population israélienne) représentent une communauté dynamique. Vous demandez à ce que des postes importants dans la médecine, la science, les médias et la culture leur soient interdits ainsi qu’à la Cour suprême, à la Knesset et au gouvernement. Bref, vous leur niez le droit d’être des citoyens israéliens à part entière.
Bezalel Smotrich est une figure plus que controversée en Israël. Qu’on en juge. Arrêté en 2005 et incarcéré par la police pour avoir préparé un attentat terroriste, il manifestait en novembre 2006 lors de la Gay Pride à Jérusalem avec des chiens, comparant les homosexuels à des animaux. Il dénie leur judaïté aux juifs du mouvement libéral (qui représentent plus de la moitié des juifs dans le monde) et, en avril 2016, refusait que son épouse partage la même chambre d’hôpital qu’une femme arabe. Il a appelé les juifs à ne pas vendre d’appartement aux arabes et invité l’armée israélienne à tirer à balles réelles sur des enfants palestiniens s’ils jettent des pierres. Il a regretté, en décembre 2018, que le soldat qui a été giflé par la jeune militante palestinienne de 17 ans, Ahed Tamimi, ne lui ait pas tiré dessus.
Son allié politique n’est autre qu’Itamar Ben-Gvir, qui considère comme héros Baruch Goldstein, le terroriste qui a massacré 27 Palestiniens alors qu’ils priaient paisiblement au tombeau des Patriarches à Hébron, qui a incité à la violence en menaçant Yitzhak Rabin (incitation qui a abouti à son assassinat) et qui, aujourd’hui, soutient ceux qui appellent à libérer Yigal Amir, le terroriste juif qui a assassiné le premier ministre israélien. Ce même Ben-Gvir qui ouvre une antenne parlementaire en plein cœur du quartier palestinien de Cheikh Jarrah à Jerusalem, est celui-là même qui, selon le patron de la police israélienne, avait provoqué la dernière guerre à Gaza et qui risque ces jours-ci de provoquer une nouvelle vague de violences.
Rapprocher les communautés
Ce même Smotrich réclame que la Halakha (loi rabbinique) soit appliquée en Israël et refuse le droit aux Palestiniens aussi de vivre sur leur terre. Il appelle à annexer tous les territoires occupés par Israël et appelle, si nécessaire, à exiler les Palestiniens de leurs terres et à leur nier tout droit civique.
Oui ce même Smotrich, votre ami, M. Habib, refuse de condamner et de qualifier de terroristes les jeunes colons qui ont brûlé vif un bébé et ses parents palestiniens dans le village de Douma.
Pourquoi tant de haine ?
En l’accueillant dans l’enceinte de l’Assemblée nationale et en lui manifestant votre amitié vous avez souillé le lieu qui incarne nos valeurs, celles de liberté, d’égalité et de fraternité.
En soutenant ce raciste homophobe, vous donnez raison à Amnesty International car, si par malheur Israël était dirigé par des politiciens comme Bezalel Smotrich ou Itamar Ben-Gvir, Israël deviendrait un état raciste, un état d’apartheid et ça la grande majorité des juifs dans le monde ne le veulent pas. Il est plus que jamais nécessaire de rapprocher les communautés, d’encourager la paix et la réconciliation entre juifs et arabe, entre Israël et ses voisins, entre Israéliens et Palestiniens.
Par Ofer Bronchtein, chargé de mission par le Président Emmanuel Macron pour la paix israélo-palestinienne
Publié dans Libération le 17 février 2022